PITBULLS1 : LA VRAIE SOLUTION S’APPLIQUE AUSSI AUX CHATS
J’écoute les débats sur la question des pitbulls et je comprends mal pourquoi nous parlons encore d’interdire ces chiens. Il existe pourtant une solution simple qui profiterait non seulement aux chiens, mais aussi aux chats et à tous les animaux de compagnie. Voilà pourquoi je me prononce sur le débat aujourd’hui.
Plusieurs comparent les défendeurs du pitbull aux lobbyistes qui promeuvent les armes à feu, alléguant que ce n’est pas l’arme « pitbull » qui soit dangereuse, mais bien la personne au bout de la laisse. Selon eux, il faudrait interdire « l’arme ». Cependant, interdire seulement le pitbull équivaudrait à n’interdire que le AK-47 parmi toutes les armes sur le marché. Bref, si on interdit les pitbulls, les gens qui veulent avoir un animal puissant vont se trouver d’autres races. Quelques années plus tard, ce sera le mastiff ou le berger allemand qui fera l’objet du même débat.
Alors, pourquoi ne pas interdire tous les gros chiens comme on interdirait toutes les armes ? C’est un débat de société et, que vous soyez d’accord ou non, il n’en demeure pas moins que cet argument est valide. Interdire à la collectivité l’utilisation d’outils dangereux parce qu’on ne sait pas s’en servir adéquatement a souvent été la solution privilégiée… sauf si cet outil rapporte plus à l’humain qu’il ne lui nuit. Nous pourrions faire un parallèle avec la voiture. Puisqu’elle blesse et tue beaucoup de gens, pourquoi ne pas l’interdire ? Parce qu’elle est pratique ! Ainsi, on règlemente et encadre son utilisation. On demande des permis pour s’en servir. Vous me voyez venir ? Je crois que plusieurs d’entre nous nous entendrons pour dire que les animaux de compagnie profitent autant, sinon plus, aux gens qu’une voiture. Alors, pourquoi ne pas appliquer la même logique ?
Suivre une formation obligatoire en soins animaliers pourrait mener à l’obtention d’un « permis » pour toute personne désireuse d’adopter un animal de compagnie. Cette solution m’apparaît évidente et réaliste. Aussi, je m’explique mal pourquoi on ne la mentionne presque jamais dans ce débat. Nous sommes prêts à dépenser de l’argent sur des lois et des inspecteurs pour contrôler les pitbulls, mais pas sur une solution à long terme qui aurait des impacts majeurs sur les animaux ? Difficile à comprendre… Il y a suffisamment de professionnels du domaine animalier pour suffire à une telle règlementation, qu’ils soient spécialistes du comportement, médecins vétérinaires ou techniciens en santé animale.
Certes, il faudrait accréditer ces professionnels pour s’assurer d’éliminer les « dresseurs alpha » et les incompétents (qui, bien souvent, ignorent leur incompétence), mais cette portion est, selon moi, très facile à faire. Une telle règlementation créerait des emplois et des gens comme nous, vos éduchateurs favoris, pourrions enfin vivre de notre métier comme plusieurs autres de mes collègues dans le domaine du comportement animal.
Voici les impacts potentiels d’une telle règlementation :
– Diminution majeure des abandons. Par conséquent, les refuges pourraient mieux aider les animaux et investir dans des programmes d’éducation ;
– Diminution importante du nombre de chats errants ;
– Diminution importante des cas de problème de comportement animal (qui mènent souvent à l’abandon ou à l’euthanasie) ;
– Diminution des blessures causées par des animaux ;
– Diminution des cas de maltraitance animale ;
– Création d’emplois (vétérinaires, techniciens en santé animale, intervenants en comportement) ;
– Le Québec cesserait d’être la risée du monde entier, arrivant toujours dernier dans toutes les statistiques concernant le droit animalier (par exemple, les usines à chiots et chatons).
Certains diront qu’une telle règlementation ferait en sorte qu’il y aurait moins de gens qui adopteraient un animal de compagnie et vous avez en partie raison. Mais avec la technologie d’aujourd’hui, il serait facile de suivre un cours en ligne obligatoire AVANT d’adopter l’animal. Cela permettrait d’éduquer les gens sur les choses à vérifier chez les éleveurs, mais aussi de faire de meilleurs choix de type d’animal en fonction de ses besoins et de son environnement. Tout ça contribuerait à éliminer les mauvais éleveurs, car les gens seraient informés. Imaginez toutes les retombées positives ! On pourrait enfin se débarrasser des méthodes d’éducation basées sur la punition et la dominance, qui causent tant de problèmes.
Les gens qui ne sont pas prêts à investir quelques heures de cours pour apprendre comment prendre soin d’un animal sont probablement les gens qui contribuent aux problèmes énumérés plus haut et qui font que nous sommes la pire province canadienne en matière de maltraitance animale.
Je ne suggère pas non plus que l’on impose une telle règlementation du jour au lendemain aux propriétaires actuels, ce qui amènerait une vague considérable d’abandons. Je suis conscient qu’il faudrait des mesures de contrôle et procéder étape par étape, en commençant par l’évaluation comportementale de tous les gros chiens. Ce serait un projet à long terme. Quoiqu’il en soit, certains pays, dont la Suisse, ont déjà opté pour un système similaire à celui que je propose et leur législation fonctionne très bien.
Je demande à tous les gens qui discutent du sujet d’arrêter d’évoquer des mesures inefficaces. Débattons plutôt de solutions pour aider tous les animaux et changer les choses durablement au Québec.
Daniel Filion
Président, Éduchateur inc.
1 Le terme « pitbull » est utilisé ici pour désigner toutes les races de chiens de type pitbull.